Les médias sociaux et l’accessibilité instantanée des caméras de nos téléphones normalisent la pression de documenter, de sublimer, et de partager notre quotidien. Cette tendance se cristallise dans la pratique de l’égoportrait. Si la culture populaire est rapide à le qualifier de narcissique, en pointant les femmes comme premières coupables de cet acte vaniteux, qu’en est-il de sa valeur artistique ? Morgane Clément-Gagnon soutient que le selfie contient le potentiel de faire œuvre. Sa pratique d’autoreprésentation se place à l’intersection de la photographie et de la performance, avec un intérêt spécifique pour le kitsch, le costume, la mise en scène et la cyberculture. Composée d’une série d’œuvres photographiques grand format, l’exposition immersive felt cute might delete later oscille entre introspection et ironie, explore la complexité de l’identité à l’ère numérique et met en lumière l’impossible projet de se construire soi-même. Par ses images et ses titres à l’humour grinçant inspirés des mèmes et du langage communicationnel des réseaux sociaux, l’artiste ouvre le dialogue sur des questionnements actuels tels que l’identité de genre, le patriarcat intériorisé, la multiplicité des féminismes, la crise écologique et le sentiment d’apocalypse, la valeur de l’art et la performance sociale.